Série réalisée pour le magazine Zist.
Contactée par Zaka Toto il y a quelques mois pour contribuer photographiquement à la revue culturelle martiniquaise Zist, je me suis interrogée (une des nombreuses fois, encore) sur ma place.
Certes, j’appartiens à la diaspora antillaise. Mais mon père est né là bas et moi je suis née ici, il ne m’a pas transmis ce lien essentiel qu’est le créole, comme beaucoup de parents – je l’apprendrai plus tard.
De ma culture paternelle, je n’ai pu m’accrocher qu’aux miettes, que je conservais précieusement, d’autant plus en coupant les ponts avec lui et par conséquent perdant le lien fragile et agité de ma famille.
Refonder.
À l’âge de 18 ans, dans le noir de ma chambre d’ado, j’ai tapé mon nom de famille dans la barre de recherche d’un site d’une association qui recensait les actes civils des anciens esclaves antillais. RAPON. Une liste de 5 ou 6 personnes, toutes de Trinité, est apparue sur mon écran. La doyenne, celle qui a reçu ce nom tiré au hasard, s’appelait Reinette. Cultivatrice âgée d’une cinquantaine d’années. J’avais accès au document scanné, j’en ai pleuré toutes les larmes de mon corps.
On a beau savoir d’où on vient, avoir la preuve matérielle et intime reste un bouleversement.
Réparer.
C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à collectionner les miettes, les rassembler frénétiquement, les ramasser partout où je le pouvais. J’en ai créé une sorte de pâte, informe, qui grossissait sans cesse, malgré les regards de travers ou les remarques de celleux qui ne comprenaient pas.
Et je partageais tout ça avec les personnes que j’aime et aimerai le plus au monde : mes frères, ma sœur, ma maman.
Relier.
Un jour est venu où l’amalgame a pris trop de place. Plus envie de cacher, de me cacher. J’ai arrêté de me lisser les cheveux, décidé d’ignorer celleux qui appellent le zouk “musique de vacances”, de m’affirmer.
Mais surtout, d’échanger. Les rencontres se sont multipliées, mon entourage s’est diversifié. Je me suis mise à lire, à apprendre l’Histoire, la langue (un peu). Et j’ai découvert à quel point j’étais loin d’être seule avec mon gâteau bizarre.
Pour cette série de photos, je suis partie à la recherche de ces liens reconstruits chez chacun.e de mes modèles, toustes issu.e.s des Antilles, qu’iels soient de première, deuxième ou même troisième génération. Les profils comme les relations à l’Île Mère sont multiples, loin d’être simples mais surtout très intimes. Je ne donnerai pas le parcours, ni l’origine de chaque modèle, au fond cela nous regarde et chaque gâteau peut faire penser à un autre.
Tout dépend de ce que vous y voyez.




















